2 sur 1 forcing manche [1/3]

2/1 forcing de manche

De nombreux joueurs inscrivent "2/1 Forcing Manche" dans la zone Approche Générale de leur feuille de conventions. L'intérêt majeur de jouer le 2/1 est de savoir très tôt que l'on est dans une situation forcing manche, laissant ainsi la place pour explorer les chelems ou choisir le meilleur contrat. Cependant ce système possèdent deux faiblesses inhérentes :

• On ne peut pas jouer 1SA sur une ouverture de 1 en majeur. La réponse de 1SA étant forcing.
• Le répondant a un problème de redemande après 1SA lorsque l'ouvreur nomme une mineur au palier de 2, éventuellement dans 2 cartes, du fait des nombreuses distributions possibles entre les deux mains.

Si vous envisagez de jouer le 2/1 il est nécessaire d'être au fait de ces problèmes vu qu'il n'y a pas de remèdes. Comme il existe de nombreuses façons de jouer cette convention, il y a plusieurs problèmes auxquels votre paire doit faire face. L'objectif de cet article est de discuter de certains de ces problèmes et de suggérer diverses solutions.

Problème 1: L'absence de définition de cette convention

Comme une réponse en 2/1 à une ouverture majeure est forcing manche, de nombreuses paires ne s'en servent que pour établir cette situation sans prêter attention au fait qu'ils peuvent donner une mauvaise description de leur main. Il supposent, à tort, que la place sauvée leur permettra de récupérer ultérieurement la situation. Supposons que vous déteniez :

ADxxxx  x  Axx  Dxx

Vous ouvrez de 1 et votre partenaire dit 2, forcing manche. Vous mettez 2 et le partenaire dit 3. Aimez vous votre main ? Vous devriez. Malgré votre ouverture minimum vous avez une belle couleur, des contrôles dans les couleurs non nommées et un bon support à . Hélas, la couleur nommée par votre partenaire est peut être inexistante. Une main possible chez lui :

RVx  ARxx  Rx  Vxxx

dans ce cas, même le palier de 5 est malsain. D'un autre côté, si vous inversez, dans la main du partenaire, les coeurs et les trèfles, le chelem est sur table. Si vous faites la même chose chez vous, le chelem est encore sur table. Aimeriez vous autant votre main avec un singleton dans la couleur du partenaire ? Vous ne devriez pas, mais lorsqu'une enchère 2/1 peut montrer n'importe quelle main balancée avec des valeurs de manche, vous vous mettez la tête sur le billot.
Il existe plusieurs solutions pour résoudre ce problème. La plupart nécessitent une enchère particulière pour indiquer, en réponse, une main balancée, fittée troisième avec des plus values de manche. Certains jouent 1SA forcing suivi d'un saut au palier de 4 dans la couleur d'ouverture montrant ainsi une main régulière de 13-15 H. D'autres jouent la réponse à 3SA pour ce type de mains.
L'inconvénient de toutes ces approches et de manger beaucoup de paliers, rendant impossible la recherche de l'adéquation entre la main de l'ouvreur et celle du répondant à un palier de sécurité.

Une solution qui peut être utilisée la réponse de 2SA sur une ouverture de 1 en majeur, comme l'a suggéré Goren, pour montrer une main fittée régulière de manche d'environ 13-15 H (on peut aussi y associer les mains de 19+, avec l'enchère de 3SA pour les mains 16-18). La réponse de 2SA peut avoir (et fréquemment possède) un soutien de 3 cartes dans la majeur de l'ouvreur. Normalement cette enchère dénie une couleur secondaire de 5 cartes, cependant une couleur de mauvaise qualité (genre Dxxxx) dans une main pour le reste agréable, est plus adéquate pour une enchère à 2SA qu'un changement de couleur 2/1. Les redemandes de l'ouvreur après une réponse par 2SA sont naturelles. L'ouvreur nomme sa couleur secondaire de 4 cartes ou plus, laissant la place au répondant pour nommer sa préférence dans la couleur d'ouverture. L'ouvreur répète sa majeur avec 6 cartes ou dit 3SA ou 4SA (quantitatif) avec un 5332. Sur le rebid de l'ouvreur à 3SA, le répondant peut passer avec 3 cartes dans l'ouverture, en particulier s'il détient un 4333.

En conséquence une enchère 2/1 montrera très souvent une couleur 5eme source de levées. Grâce à cette information l'ouvreur pourra plus aisément réévaluer sa main (en vue d'un chelem éventuel). L'ouvreur pourra aussi fitter la couleur nommée en 2/1 avec 3 cartes.

Si vous jouez déjà la convention 2SA Jacoby, il faudra trouver un autre soutien forcing. Il vaut mieux utiliser le changement de couleur à saut le plus économique (1-2 et 1-3) comme fit forcing. Les mains qui autorisent un saut fort sont très rares et, de plus, des conventions modernes comme le 2/1 ou la 4eme forcing sont habituellement excellente pour traiter ces situations. Si vous jouez les fits Bergen ("Bergen raises") la réponse de 3 sur l'ouverture de 1 est peut être déjà utilisée. Dans ce cas, je vous suggère d'utiliser les réponses de 3 et 3 comme fits Bergen sur 1.

Problème 2 : Le (mal compris) principe du plus vite arrivé

Vous détenez :

xxx  ADVxx  Ax  RVx

Vous ouvrez de 1, votre partenaire met 2. Vous fittez à 3 et le partenaire saute à 4. Que faire maintenant ? Si vous jouez 2/1 comme la plupart des paires, l'enchère de 4 chez votre partenaire indique une main minimale (principe du plus vite arrivé). Cette information ne vous est pas très utile car en face de ce minimum :

Ax  Rxx  xx  ADxxxx

Le chelem est sur table. Alors qu'en face de :

Dxx  Rxx  Rx  ADxxx

Vous n'êtes pas en sécurité au palier de 5. Le problème est bien sûr le saut à la manche, qui vous empèche de connaître le contrôle . En l'absence de ce principe, dans les séquences du type 2/1, aucun des partenaires ne peut arriver à exprimer s'il possède des plus (ou des moins) values. Le système classique en 2/1 a pour objet de décrire la forme de la main, et ce n'est souvent qu'arriver à un haut palier qu'un joueur peut limiter sa main. Grâce à ce principe, le répondant a l'opportunité de limiter sa main.
Malheureusement, le prix à payer est trop élevé. Il y a simplement trop de cas où le palier de 4 sert aux cue-bids, en particulier lorsque la main du répondant est virtuellement illimitée (ce qui arrive souvent dans cette méthode). Qui plus est, même lorsque les mains sont minimales, si elles correspondent 12 levées sont possibles. C'est pourquoi, je vous propose la solution suivante :

Dans la séquence précédente (1-2-3) et dans toutes les séquences similaires où le partenaire ne peut fitter l'ouvreur pour la première fois qu'au palier de 3 :

- Un saut au niveau de 4 dans la majeur de l'ouvreur, au lieu d'un fit au palier de 3, est une enchère descriptive. Qui montre : un bon support dans la couleur de l'ouvreur, une belle couleur (promise par le 2/1) et aucun contrôle du premier ou second tour dans les couleurs non nommées. L'ouvreur peut alors se faire une excellente idée de la main et placer le contrat final, éventuellement après un Blackwood (aux cartes clefs). Un exemple de main où le répondant saute directement à la manche :

Dx  Rxxx  xx  ADVxx

- Un saut dans une nouvelle couleur est splinter (singleton dans la couleur nommée) mais clairement défini. Il indique exactement : de bons atouts, une belle couleur. Il dénie un contrôle du premier et du second tour dans la quatrième couleur. Un exemple de splinter à 4 dans la séquence précédente :

xxx  Rxxx  x  ADVxx

Une fois de plus, la main du partenaire est limpide permettant ainsi à l'ouvreur de placer le contrat final. Ainsi dans la séquence précédente, si l'ouvreur possède :

Axx  ADxxx  xx  Rxx

le chelem est sur table, alors que la même main avec A au lieu de A appartient au palier de 4. Remarquez que dans les séquences précédentes le répondant ne nomme jamais les Coeurs. Le fit est implicite. Il est certainement contre-intuitif que le splinter indique l'atout et non l'atout , c'est pourquoi vous devez en avoir discuté préalablement avec votre partenaire, avant de faire ces enchères.

- Avec toutes les autres mains fittées, enchérissez au palier de 3. Puisque les deux mains sont à priori illimitées, il est nécessaire de pouvoir établir l'intérêt pour le chelem. La solution est la convention "3SA sérieux" (John Gowdy a présenté cette convention dans un numéro précédent de la revue "Canadian Masterpoint), dont voici la définition :

Lorsqu'un fit 8eme ou plus dans une majeure est connu au palier de 3 et que la séquence est forcing manche, l'enchère de 3SA par l'un des partenaires est totalement artificielle, elle indique "partenaire, j'ai de sérieuses ambitions de chelems, démarre les contrôles pour moi."

Si, alors que vous avez la possibilité de dire 3SA, vous démarrez les contrôles, le message adressé est alors :

"Partenaire, je n'ai pas d'ambition de chelem, mais je démarre les contrôles au cas où vous en auriez."

Que devriez-vous cue-bidder ? Lors de partenariats avec Geoff Hampson et Sheri Winestock, il a été trouvé l'approche suivante très fructueuse : une enchère dans la couleur du 2/1 faites par le partenaire montre l'un des trois gros honneurs (As, Roi ou Dame). Un cue-bid dans votre couleur annoncée en 2/1 indique deux des trois gros honneurs. Un cue-bid dans une couleur non-nommée montre un contrôle du premier ou du second tour (As, Roi, singleton ou chicane). Les cue-bids se font dans l'ordre. En sautant un contrôle, vous déniez le tenir. 4SA, par l'un des partenaires est toujours Blackwood (aux cartes clefs). Cette approche amène quelques inférences dans les enchères de chelem :

- Il est impossible d'atteindre le palier de 5 avec deux perdantes directes dans une des couleurs.
- Il est rarement nécessaire de devoir cue-bidder au palier de 5. Au cas où vous ne l'auriez jamais remarquer, un cue-bid au palier de 5 est souvent un signe de désespoir - vous ne savez que faire, alors vous cue-bidder au palier de 5 pour transférer la décision à votre partenaire.
- Vous ne dépasserez jamais le palier de sécurité lorsqu'aucun des partenaires n'a de plus values ou la connaissance d'un bon fit pour des ambitions de chelem.
- Vous ne pourrez pas jouer 3SA avec un fit majeur de 8 cartes au moins et une enchère de 2/1. Certains joueurs (Irving Litvack par exemple) trouverons que c'est suffisamment rédhibitoire pour ne pas jouer cette convention. D'après mon expérience, jouer 3SA dans ce type de séquence est le moindre de vos problèmes. C'est en particulier vrai lorsque le répondant est connu avec une couleur au moins cinquième, il est alors probable que l'un des joueurs au moins ait une main irrégulière et/ou des plus values.

Voici quelques exemples d'utilisation du "3SA sérieux" et des types de cue-bids recommandés dans les séquences en 2/1 :

Exemple 1:

RVxxx	ADx
Axx	x
Dx	ARV10xx
Dxx	Axx
1	2
2	3
4	4SA
5	7SA

L'enchère de 4 dénie des ambitions de chelem chez l'ouvreur, sans quoi il eut mis 3SA, dénie un contrôle trèfle (sinon 4), mais montre un gros honneur carreau. Le répondant visualise alors 13 levées.

Exemple 2 :

ADVxx	Rxxx
Ax	RD
Rxxx	ADVxx
Dx	Vx
1	2
3	3
3SA	4
4	PASSE

L'enchère de l'ouvreur à 3SA montre des ambitions de chelems, l'enchère du répondant à 4 montre de bons carreaux, mais pas le contrôle . L'enchère de 4 du déclarant est forcing passe indiquant l'absence de contrôle trèfle.

Exemple 3 :

AV10xx	RDx
RVx	xxx
x	ARDVxx
Dxxx	A
1	2
2	3
4	4SA
5	6

4 dénie des ambitions de chelem, un contrôle trèfle, et un gros honneur carreau (on n'annonce pas de courte dans la couleur du partenaire). Le contrôle coeur est ce dont avait besoin le répondant. Que serait-il advenu si on avait échangeait les honneurs coeurs et trèfle du déclarant ?

Exemple 4 :

AV10xx	RDx
Dxx	xxx
x	ARDVxx
RVxx	A
1	2
2	3
4	4
4	PASSE

Quand le répondant dit 4, il indique ses ambitions de chelem. Comme le déclarant a dénié des ambitions de chelem en sautant 3SA, le répondant aurait du mettre 4 pour fermer les enchères, s'il ne l'a pas fait c'est qu'il a des ambitions de chelem. L'ouvreur, doit s'il le possède donner son contrôle . Comme il nomme directement la manche à , le répondant sait que la défense peut encaisser deux levées à coeur, en conséquence, il passe.

Exemple 5 :

Rxx	Dx
AVxxxx	Rxx
xx	ADxxxx
Rx	AD
1	2
2	3
3	3SA
4	4
4	PASSE

Lorsque les coeurs sont agréés au palier de 3, l'ouvreur doit dire 3 s'il a le contrôle pique. Toute autre enchère aurait dénié ce contrôle, 3SA aurait montré des ambitions de chelems, sans le contrôle pique. Le répondant possède des plus values et l'indique par 3SA. 4 montre un contrôle et 4 indique la présence de deux gros honneurs. Lorsque le déclarant ne pose pas le blackwood, alors que tous les contrôles sont connus, le répondant sait que le déclarant est minimum. Le répondant, ayant tout dit, passe sur 4.

Exemple 6 :

Axx	Dx
ARVxxx	Dxx
AV	RDxxx
xx	RDx
1	2
2	3
3	4
4SA	5
6

Bien que la main du répondant soit sub-minimale, il doit dire 4 car le répondant n'a pas limité sa main. Le répondant peut enchérir sereinement à 4 puisqu'il sait qu'il dénie des ambitions de chelem. Dans cet exemple, l'ouvreur peut poser le contrat final dès qu'il connait le contrôle trèfle.

Comme vous devez maintenant l'avoir compris, la méthode de cue-bids recommandée est très différente de la façon dont la plupart des paires mettent en oeuvre le principe du plus vite arrivé. Il est recommandé de bien discuter des séquences avec votre partenaire si vous décidez d'adopter cette méthode. Le 3SA sérieux est fait pour des partenaires sérieux. Ce n'est, en aucun cas, une convention que vous pouvez adopter à la légère.

S'il est une leçon à tirer de cet article, c'est qu'il y a un grand pas à faire lorsque l'on décide d'utiliser une convention, autrement plus important que de simplement écrire le nom du système sur votre feuille de conventions. Une bonne entente entre partenaires est bien plus importante que le système pratiqué. Si vous et votre partenaire décidez de jouer des conventions non-standard, prenez le temps de bien les assimiler. Discutez des séquences et assurez vous que vous savez ce que telle ou telle enchère veut dire. Lorsque vous aurez réellement intégré les ressorts de votre système, vous en récolterez les bénéfices au niveau des résultats.

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