Merci pour avoir oser connaître la torture ! Revenez nous visiter.


Askeur et Boumedienne, deux harkis sur lesquels on pouvait compter
plus que sur certains lâches !
J'ai reçu, un an après, une lettre d'Askeur qui m'a fait pleurer. J'ai répondu au S.P., qui était sur l'enveloppe, mais la lettre datait et je n'ai jamais su ce qu'il était devenu. Par contre, cet oubli de nos amis par la France m'a toujours fait honte, pas pour moi, pour ma patrie !
Mais sa tête sur la photo jointe à la lettre, montre bien son désespoir naissant et l'odeur de son avenir proche.


Affecté à l'O.R. (Officier de renseignement) de TAHER, nos missions consistaient à partir avec 12 harkis, le lieutenant, le radio et moi, trois français au milieu de 12 anciens du FLN, à la recherche de renseignements.
Nous allions fouiller les douars, les mechtas pour tenter d'obtenir des renseignements, voire faire des prisonniers et les faire parler.
Oui, la torture existait comme dans toutes les guerres, malheureusement elle semblait nécessaire car il fallait faire parler pour sauver plusieurs vies, voir des centaines, mais nous étions là pour limiter au strict nécessaire au risque de notre grade ou plus grave.
Un jour, le suis entré par hasard dans le local, un harki passait à la gégène un fellouse, je n'ai pas pu supporter, sortie rapide, trop peut-être. Le courage a souvent manqué dans ces moment-là.
Une autre fois, Boumedienne me dit, viens voir chef.
Nous rentrons dans la pièce, une douzaine de fellagas est alignée.
Askeur avec un poignard s'approche du premier. "Tu causes ?", l'homme fait non de la tête. Sans un mot Askeur l'éventre, il passe au deuxième "Et toi ?". L'homme a tout dit immédiatement.
En sortant, Boumedienne me dit "Tu vois, mon chef, il vaut mieux en tuer un que torturer les douze, on obtient le renseignement plus vite, aujourd'hui nous avons évité, au moins, 100 morts civils".
Combien de fois je me suis caché pour dégueuler tripes et boyaux ?
Un matin, un camion rentre dans le camp, tout le monde se précipite. Nous allons voir et découvrons une dizaine de corps entassés, des petits gars de chez nous, égorgés, éventrés, les testicules cousues dans la bouche, tout cela d'un coup d'œil rapide car vite on se détourne et vomissons entre deux camions.
Fin 2000 une émission à la T.V., a dénoncé la torture en Algérie, accusant les appelés de violences rappelant la gestapo, montrant de soi-disant camps ou maisons spécialisées dans la torture. Cela fait réfléchir.
De quel droit ces journalistes ont-ils osé abordé ce sujet ? Ont-ils été en Algérie ? Qu'auraient-ils fait à notre place ? Se seraient-ils élevés contre ces actes, auraient-ils montré une opposition ? Non, comme nous, ils auraient, soit subis, soit compris bien après.
La guerre n'a jamais été propre.
Les dénonciateurs à retardement, les délateurs des 50 ans après ne sont pas plus propres, non plus.

Souvenir d'une opération, nous étions devant, les quinze en piste. le lieutenant, le radio, moi et nos douze harkis recherchant les fellagas pour les bérets noirs qui suivaient à distance respectable.
Askeur, toujours devant, passe une haie en entre dans un champ. Je le suivais avec Boumedienne et les autres.
Une rafale éclate, d'un coup d'œil je vois Askeur soit tomber soit se jeter à terre. Pas le temps de réagir, d'une poigne de fer Boumediene me tire en arrière et nous nous jetons dans les restes d'une mechta, avec des murs pas plus hauts que 50 cm.
Les balles des bérets noirs et ceux des fellagas passaient au-dessus de nos têtes.
Une idée me traverse la mienne, au lieu d'une balle, et si l'on recevait une grenade au milieu de ces ruines ?
Sans réfléchir, je fais signe à Boumedienne et nous sautons par dessus la murette.
Je tombe en plein sur le radio qui hurle de peur croyant recevoir un fellaga. J'éclate de rire, réflexe nerveux, et nous restons sans bouger avant de reprendre notre marche quand les tirs ont cessé.
Une journée de plus venait de se terminer.
Le soir nous arrivons en haut de la colline.
Plus rien à manger et peu à boire. Les bérets noirs, bien organisés, lancent un message radio.
Quelques minutes plus tard, des hélicos larguent des vivres et des outres de vin chaud et sucré qui malheureusement éclatent en arrivant au sol.
La nourriture est comme d'habitude dégueulasse, on a toujours appelé cela du singe, quelque soit la guerre, je vous assure que ce n'est pas immérité.
Nos harkis ramènent un bœuf, attrapé je ne sais où. Il faut le tuer, faute de mieux, je prend mon P.M (pistolet mitrailleur) et lui tire une rafale dans la tête. Quel exploit !
Nos harkis le découpent et le font cuire, les bérets noirs se joignent à nous pour mastiquer une viande dure car trop vite mangée, au lieu de l'avoir laissé reposé un ou deux jours (pas le temps). Ce ne fut pas une réussite !
Quand la quille arriva.
Cela faisait un mois que nous pataugions dans la boue à Tébessa. Cette région ne m'a pas manquée, risquée, minée, souvent mitraillée et bombardée par les lances grenades et autres tubes.
Nous primes l'avion sans regret. Arrivée à Toulouse, enfin je retrouvai ma chère femme avec Évelyne, qui avait bien changée mais, avec les leçons de sa maman et les photos, m'a reconnu tout de suite.
Un bref adieu à mes trois compagnons de route et direction Tarbes, au retour dans la VIE.
Et j'ai oublié tout cela jusqu'en 1981. Après mon accident de la route qui m'avait cloué sur un chariot (et j'avais passé l'Algérie debout), la FNACA locale vint me voir et je me sentis obligé de revenir en arrière, dans un passé que j'avais voulu oublier !

Lettre d'un général publiée le 04/05/2002 dans la revue le Casoar de St Cyr

Allez voir ce que j'ai récolté sans le savoir, sans le vouloir et sans le demander !

suite de l'Algérie.

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